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L'éternité selon Nono



        C'était un sifflotement qui se faisait écho à lui-même entre les façades du boulevard quasiment désert. Comme un chant d'oiseau léger et aérien.
        Nono trouvait toujours un nouveau petit air à jouer, du bout des lèvres, ou avec un harmonica, lorsqu'il se retrouvait avec son baluchon sur le dos.
        Qu'avait-il dans sa tête, à cet instant de sa vie ? Rien de plus que dans son petit sac à dos, en dehors de cette petite mélodie sympathique que se renvoyaient les parois de son crâne, comme si un banal vide s'était étendu entre elles.
        Il ignorait superbement les quelques passants qui le croisaient, poursuivant son petit air sans la moindre gêne apparente, d'un pas joyeux. C'était là sa manière de faire un pied de nez à la vie, à chaque fois que les circonstances s'y prêtaient. Elle aurait sûrement été trop contente de le voir dans un état moins fringant.
        Cette ville lui était encore presque inconnue, bien qu'il y habitât maintenant depuis presque un an. Aussi fut-il quelque peu surpris de voir le boulevard s'élargir devant ses pas, et lui ouvrir une vue charmante sur un joli petit parc bien vert. Il paraissait déserté, en ce grisâtre jour de semaine.
        Aussitôt attiré par cette verdure accueillante, il décida que c'était un bon endroit pour faire la première pause de cette nouvelle escapade, avant que sa prochaine lubie ne l'entraîne sur des routes lointaines.
        Quelques pas sur un petit chemin, au-delà d'une haie, et déjà le bruit des voitures sur le boulevard n'était plus qu'un vague bourdonnement, un souvenir en train de disparaître.
        Le parc dessinait un large carré de gazon qui partait d'une rangée d'arbres presque assez opaque pour dissimuler le manoir désaffecté qui étirait haut ses murs. La demeure était en face de lui, et le carré de gazon était encadré d'un autre carré, d'arbres celui-là. Ce dernier était destiné à abriter les bancs du parc du violent soleil de la région, chose inutile en ce jour d'été gris et humide. Aussi, l'utilité de ces vieux arbres se limitait-elle à leur aspect décoratif.
        Toujours sifflotant, Nono ralentit le pas pour profiter de la tranquillité de ce petit coin. Il commença à déambuler vers la droite, sur le gravier du chemin, lorsqu'il remarqua la tache violette, de l'autre côté du parc. Ne jurait-elle pas un peu avec le vert d'ici ? Cette jolie fleur promettait d'être une belle plante, au vu de ses jambes, à vingt mètres.
        Une sorte d'instinct prédateur s'empara du siffloteur qui fit aussitôt demi-tour, pour aller voir ces pétales de plus près. Tout dans son attitude, même à cette distance, lui disait que c'était une fleur solitaire, le genre de végétal qui se plante dans un endroit tranquille, dans l'espoir d'attirer l'attention au premier coup de vent venu qui agiterait ses pétales aux yeux du premier fécondateur venu. N'était-ce pas là la loi de la nature ? En tout cas, Nono avait toujours aimé rendre hommage à ce principe qu'il considérait comme universel. De plus il n'avait jamais voulu être l'homme d'une seule fleur, alors qu'un bouquet était bien plus qu'une marguerite perdue.
        Il n'interrompit son sifflotement qu'à quelques mètres d'elle et il brandit son sourire le plus aguicheur droit vers celle-ci, avant de lui adresser l'une de ces phrases énigmatiques dont il possédait un plein tiroir, quelque part dans sa mémoire.


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