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Charlotte prépara le déjeuner et ils mangèrent ensemble ce midi. Sylvain l'avait observé et avait encore laissé son cerveau s'emballer. Il se demandait comment elle pouvait avoir l'air aussi naturel alors que plus rien ne lui paraissait ni naturel ni normal. L'idée de lui demander où étaient passées les choses qui lui appartenaient - tout ce qu'elle avait bien du emporter en quittant son appartement, ses papiers etc... - le démangeait, mais il n'en fit rien. Comment une fille dans la situation qu'elle disait pouvait-elle être aussi propre et bien portante et en même temps ne plus rien posséder? Sa robe n'avait pas de poche et elle n'avait rien avec elle depuis qu'il l'avait rencontrée, pas de sac à main, donc pas de papier, pas d'argent. Il était à présent persuadé qu'elle mentait, mais il ne laissa rien paraître.
A la fin du repas il lui demanda un service.
"Oui ? fit Charlotte.
- On est mercredi aujourd'hui et ma soeur va venir avec sa fille. Je la garde tous les mercredis après-midi parce qu'elle travaille. Mais comme je ne suis pas allé jouer ce matin, j'aimerais bien me rattraper cet après-midi, alors si tu voulais bien...
- Garder ta nièce ? Bien sûr, j'adore les enfants. Ce sera avec plaisir."
Il était à peine une heure et demie lorsque la soeur de Sylvain sonna. Celui-ci l'accueilla et comme elle était très pressée, il la salua et fit entrer la petite fille.
Charlotte découvrit une enfant petite au regard brillant pour qui Sylvain était très attentionné. Il lui ôta sa veste et la mena dans le salon. Charlotte nota ses petits yeux clairs aux reflets verts, ainsi que sa chevelure mi-longue coiffée avec un serre-tête un peu strict qui retenait sans distinction ses mèches blondes et châtains.
"Sandy, je te présente Charlotte.
- C'est ta maman ? interrogea la petite.
- Non, fit Sylvain avec un sourire, c'est une copine à moi.
- Tu vas dans la même école qu'elle ?"
Charlotte et Sylvain ne purent retenir un rire.
"Non, intervint Charlotte, nous on est grand alors on a le droit de se promener tout seul, alors on s'est rencontrés en se promenant."
Une sorte de lueur de compréhension passa dans le regard de la mignonne petite fille qui ne dit rien de plus.
"Moi je suis obligé de partir, lui expliqua Sylvain, alors c'est Charlotte qui va rester avec toi, tu verras elle est gentille."
Une fois Sylvain parti, Charlotte se souvint des quelques conseils qu'il avait eu le temps de lui donner. Elle s'agenouilla devant la petite fille, eut un regard pour sa robe à carreaux, puis la regarda dans les yeux et lui demanda:
"Alors Sandy qu'est-ce-que tu as envie de faire maintenant ? Tu veux faire un dessin ?
- Oui", répondit-elle poliment.
Charlotte l'installa devant la petite table, avec quelques crayons et une feuille, et vint s'asseoir sur le tapis, près d'elle.
" Tu as quel âge ?
- J'ai six ans et demi.
- Tu vas à l'école alors ?
- Oui."
Charlotte admirait la concision toute enfantine de cette réponse. Elle se mit à bavarder d'égal à égal avec elle et finit par faire sauter le verrou de la timidité. La fillette lui posa beaucoup de question, surtout à propos d'elle et de Sylvain, et s'avéra être en fait particulièrement bavarde.
Charlotte trouvait cette fillette très mignonne et craquante. Elle avait toujours aimé les enfants. Malheureusement elle n'en aurait jamais.
Sandy releva un instant la tête de son dessin et considéra Charlotte avec gravité.
"C'est quoi ton vrai nom ?"
Charlotte avait toujours, au fond d'elle, attendu cet instant. C'est pourquoi elle ne fut pas surprise par la question de la petite. Elle n'ignorait pas qu'en dépit de leur innocence, et peut-être grâce à celle-ci, la plupart des enfants ont un sens aigu de la vérité. C'était une sorte de sixième sens qui leur indiquait avec précision en quoi un adulte ment.
Elle lui dit alors la vérité.
Le silence s'installa pour longtemps. Maintenant Sandy, insouciante, jouait avec les poupées que Sylvain gardait pour elle dans un placard, sous l'oeil rêveur de la jeune femme.
Cette dernière s'émerveilla de l'insouciance de Sandy qui la ramenait aux premiers jours de l'humanité toute entière, époque bénie où les concepts de guerre et de pouvoir n'a-vaient pas encore été inventés.
La moitié de l'après-midi avait passé et les dessins géométriques que faisait le soleil d'automne sur le sol s'étaient allongés jusqu'aux pieds nus de la fillette. Charlotte la contempla encore un instant avant de se saisir d'un magazine qui traînait par là. Elle le feuilleta machinalement.
Sandy posa subitement ses deux poupées sur le plancher usé et se tourna vers Charlotte. Elle la considéra d'un oeil curieux, maintenant qu'elle ne sentait plus son regard posé sur elle. Elle trouvait la jeune femme particulièrement jolie et aimait sa robe bleue qui enveloppait son corps de sa gorge jusqu'à ses genoux repliés sur le canapé. Elle était encore plus jolie que sa maman. La petite se leva et lui fit face. Elle s'approcha et grimpa sur le canapé, sans douter de l'intérêt qu'elle allait susciter. Comme celle qui avait d'abord dit s'appeler Charlotte ne détournait pas tout de suite le regard du magazine qu'elle tenait, Sandy l'interrompit d'une question.
"Pourquoi tu lui dis pas ton vrai nom à Sylvain ?
- Parce que les grands ne comprennent pas ces choses là, répondit Charlotte sans réfléchir à ce qu'elle disait et sans lâcher son magazine.
- Mais si tu veux te marier avec lui il faut qu'il sache ton vrai nom !"
Charlotte réprima un rire et laissa là ce qu'elle était en train de lire.
"Mais je ne vais pas marier avec lui.
- Avec qui tu vas te marier alors ?
- Avec personne. Quelqu'un comme moi ne se marie pas.
- Pourquoi ? C'est Dieu qui te l'a interdit ?
- Tu sais les affaires des adultes sont très compliquées, tu comprendras peut-être quand tu seras plus grande."
Mais Sandy n'était pas prête à se satisfaire de cette réponse. Son visage eut une moue qui manifestait son mécontentement et ressemblait à s'y méprendre à une grimace.
"Alors tu vas t'envoler ?
- C'est ça."
Sandy fit une nouvelle grimace.
"Tu es méchante ! Je croyais que les anges étaient gentils !"
Charlotte ne put cette fois réprimer un rire bref, essayant toutefois de ne pas vexer cette enfant.
"Tu ne dois pas m'en vouloir, je voudrais bien rester avec ton oncle et vivre heureuse avec lui, mais je ne peux pas.
- Pourquoi ? fit Sandy d'un ton irrité.
- Parce que je dois accomplir une autre mission ailleurs.
- C'est pas vrai ! grogna Sandy.
- Je t'assure que si, répondit Charlotte, surprise d'avoir encore été percée à jour par cette fillette.
- Et t'es même pas un vrai ange !"
Charlotte préféra se taire que de lui dire un nouveau mensonge. Mais comment lui dire ce qu'elle était vraiment sans la heurter. Cette enfant ne supporterait pas la vérité nue. Charlotte maudit sa propre malédiction.
"Je vais te montrer des tours de magie, tu veux bien ?"
Sandy se renfrogna.
"Pourquoi tu es venue voir mon tonton ? Interrogea-t-elle.
- Pour voir si il se comporte bien.
- Il pourra aller au paradis ?
- Pour le moment oui.
- Tu vas repartir bientôt alors ?
- Je ne sais pas encore.
- Tu seras encore là mercredi prochain ?
- Je ne pense pas.
- Moi aussi il y aura un ange qui viendra me voir quand je serais grande ?
- Peut-être, qui sait ?"
Sandy se tut et sembla réfléchir à cette éventualité.
"Tu veux que je montre des tours de magie alors ?
- Oui."
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