Retour à l'accueil                                                          Retour au menu

page 1 - page 2 - page 3 - page 4 - page 5



        Une voix féminine. Qu'allait-il dire ? Qu'il s'était perdu en pleine nuit dans un endroit dont il n'avait aucune idée et qu'il espérait que les renseignements de France-Télécom le sortent de là?
        C'était une situation absurde, mais il n'avait pas vraiment le choix. Il bégaya pendant un long instant avant de trouver quelque chose à dire qui ne paraîtrait pas trop ridicule.
        "Euh... allô! fit-il, je voudrais le numéro du taxi le plus proche de la cabine (il regarda le numéro du coin de l'oeil sans pouvoir réprimer un hoquet de surprise) euh... la cabine 666."
        A l'autre bout du fil le silence restait total et il craignit que la communication ait été coupée. C'est alors qu'une voix lourde et stridente - qu'il prit tout d'abord pour une erreur sonore due à une saturation des amplificateurs - lui répondit. Elle ne ressemblait en rien à la première voix; celle-ci n'était ni masculine ni féminine; il se demanda même si elle était humaine ou si c'était une voix artificielle comme celles que l'on fabrique avec des ordinateurs.
        "Vous êtes actuellement en connexion avec notre service de renseignements. Ne perdez pas espoir."
        Et le message se répétait en boucle, se répétait et se répétait. Il éloigna le combiné de son oreille tant cette voix étrange et inhabituelle heurtait sa sensibilité humaine. Elle avait des accents qu'il aurait qualifié de démoniaques.
        Le message continuait de se répéter, à l'infini. Et il attendait, supposant qu'il s'agissait là d'un message l'y invitant.
        Il observa la ville, autour de lui, à l'extérieur. Elle était silencieuse, calme. Un courant d'air s'infiltrait par la vitre cassée en sifflant doucement, de manière à peine perceptible.
        Un sifflement strident dans le téléphone l'avertit qu'il se passait quelque chose. Il le porta à nouveau près de son oreille. Une voix grave, métallique, parla: " Oui ?"
        "J... euh, je voudrais un taxi, balbutia-t-il.
        - A quel numéro de cabine ? interrogea la voix inquiétante.
        - Six-cents... Six-cent-soixante-six, hésita-t-il.
        - Très bien, affirma son interlocuteur, cinq minutes d'attente avant son arrivée."
        Et l'on raccrocha. Il regarda sa montre, mais elle était toujours arrêtée sur minuit, obstinément. Bien qu'il trouvât cela stupide, pour quelqu'obscure raison, il n'osait sortir de la cabine. Il se sentait comme en un sanctuaire inviolable; un lieu sacré dans ce monde étranger. Et puis le taxi le trouverait là et il n'aurait plus qu'à sortir de cette cabine.
        Il attendit. Durant son attente, il ruminait de désagréables idées sur ce qui était en train de lui arriver. Il était bien incapable de remettre tout cela en ordre dans son esprit.
        Les mêmes questions revenaient sans fin: Où était-il ? Quelle heure était-il ? Que faisait-il là ? Comment y était-il arrivé ? Evidemment, toute tentative de raisonner, dans sa position, était vouée à l'échec. Il ne trouverait la vérité qu'en explorant ce monde; il ne comprendrait pas en réfléchissant. Il ne pouvait se fier qu'à son instinct.


page 1 - page 2 - page 3 - page 4 - page 5