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        En y réfléchissant bien il se rendit compte qu'il ne savait pas non plus qui il était. Non. Plus exactement il ne se reconnaissait plus. Il se rappelait son propre nom et l'identité de ses proches, mais tout cela lui semblait extrêmement lointain et vidé de son sens.
        Tout se mélangeait dans sa tête et il la secoua comme un chien essayant de se débarrasser de ses puces ou de l'eau qui ruisselle entre ses poils. Cela n'eut aucun autre effet que de le réveiller. I1 ne se sentait pas véritablement ensommeillé mais ses sens semblaient émoussés, comme si le brouillard nocturne s'insinuait en lui par ses oreilles, ses narines, sa peau.
        Il se rappela avoir lu quelque chose, quelque part, un jour; à propos des choix que chaque individu avait à faire lors de certains noeuds de sa vie. Il ne pensait pas que ces choix puissent se manifester ainsi mais, si tout ceci n'était pas un rêve, il se dit qu'il allait devoir accepter cette idée, aussi dérangeante soit elle.
        Comme il n'avait rien d'autre à faire, il regarda de nouveau autour de lui. De l'autre côté du carrefour il remarqua une cabine téléphonique. Son regard s'arrêta sur celle-ci comme si elle était l'intrus à débusquer dans l'image. Elle avait quelque chose d'étrange, et sa présence même niait l'existence du hasard.
        Qu'avait-il de mieux à faire que d'aller jusqu'à cette cabine ? Mais pour y faire quoi ?
        Il pesa ces deux questions dans sa balance mentale. Elle refusait de s'équilibrer, mais refusait tout autant de pencher d'un côté ou de l'autre. Il avait toujours été quelqu'un d'indécis.
        Cependant, comme il fallait bien faire quelque chose, il s'ébranla, doucement, avec difficulté, comme quelqu'un qui s'éveille douloureusement d'un sommeil au cours duquel il a pris une mauvaise position. Et il se dirigea vers la cabine. Il prit la peine de regarder avant de traverser comme on le lui avait toujours appris. Lorsqu'il constata l'absence totale de bruit et de mouvement à perte de vue, cette précaution lui parut déplacée, incongrue même, presque absurde. Ca l'était moins qu'il le croyait.
        Ce n'est qu'au tout dernier moment qu'il perçut le bruit. Il remontait la rue et la chose lumineuse passa devant lui à la manière d'une voiture conduite par un chauffard. Mais cela n'avait rien d'une voiture, et le déplacement d'air le fit reculer de plusieurs pas. I1 heurta le trottoir avec ses talons et bascula en arrière dans un petit cri étranglé. Il eut tout juste le temps de se retourner pour apercevoir le bolide disparaître au coin d'une rue.
        Il resta médusé par cette soudaine et inattendue apparition. Son coeur bondissait encore dans sa poitrine tandis que le fracas de la chose qui l'avait ainsi frôlé résonnait encore dans les tréfonds de son crâne. Il n'avait aucune idée de ce que cela pouvait être, mais le bruit que cela avait fait ne lui était absolument pas familier. Pas plus, d'ailleurs, que l'apparence même de la chose, pour le peu qu'il en ait vu.
        Alerté par cette expérience, il fut beaucoup plus circonspect dans sa deuxième tentative. Et il fut particulièrement soulagé lorsqu'il parvint de l'autre côté de la rue.
        Il jeta tout de même un regard alentour, histoire de s'assurer que rien n'arrivait. Rien ne lui sembla particulièrement étrange. Pas plus étrange, en tout cas, que ça ne l'était quelques instants auparavant.
        Il se tenait maintenant juste devant cette cabine téléphonique. Elle l'impressionnait.
        Elle ne semblait cependant pas dangereuse, mais il y avait quelque chose en elle de menaçant; comme un mauvais souvenir depuis longtemps enfoui qui serait en train de se frayer un chemin vers sa conscience. Il n'était pas sûr de vouloir faire face; il était même à peu près sûr de ne pas le vouloir.
        Mais avait-il le choix ?


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