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        Une fois de plus, on l'emmena à travers des lieux étranges, sombres et inconnus, dans des bâtisses aux murs durs et tièdes. Ce petit voyage sembla s'arrêter ici, dans cette longue pièce sans éclairage, seulement percée de quelques ouvertures à moitié dissimulées derrière des reliefs architecturaux.
        Il ne savait pas du tout dans quel genre d'endroit on l'avait encore emmené. Il se sentait quelque peu en colère de se faire ainsi traîner de partout sans qu'on lui demande son avis.
        Plusieurs personnes se tenaient ici. L'une d'entre elles, qui paraissait plus importante que les autres - il le devina par pure intuition - se tenait assise au fond d'un grand fauteuil qui avait l'air plutôt inconfortable. Il croisa son regard. Elle roulait des yeux de manière bizarre tandis qu'Hendricks lui parlait à voix basse. Lorsque ce dernier cessa enfin ses chuchotements agaçants, l'homme assis au fond du fauteuil se pencha légèrement en avant et il put voir tout droit dans ses yeux bleus-gris. Ils se considérèrent ainsi un petit moment en silence, et il lui sembla que l'homme était plutôt crispé et inquiet.
        D'un geste nerveux, celui-ci signifia à tout le monde de quitter la pièce, et aussitôt les silhouettes que notre petit garçon n'avait qu'à peine remarqué se dirigèrent calmement vers la sortie, à l'exception d'une seule, qui se tenait debout, les bras croisés, tout proche du grand fauteuil inconfortable.
        Le silence se prolongea encore un moment, puis l'homme parla le premier.
        "Hum... Alors comme ça, tu ne sais pas comment tu t'appelles et tu refuses de travailler à la machine du vieux Hendricks ?
        - Ouai...
        - Sais-tu ce qui risque de se passer si personne ne fait ce travail ?
        - Non.
        L'homme conservait une posture exagérément tendue, le dos parfaitement droit, tandis qu'il lui parlait. Et il parlait lentement, sûrement plus qu'il n'avait l'habitude de le faire. Quelque chose n'allait pas, c'était évident, mais lui n'en avait que faire. Il jeta un coup d'oeil vers l'homme qui se tenait à moitié dans l'ombre du fauteuil, toujours immobile et apparemment impassible.
        - Mais dis-moi... D'où viens tu donc ?
        - Je ne le sais pas.
        - Tu ne sais pas non plus d'où tu viens ?
        - Non.
        - Mais comment se fait-il que tu ne te rappelles pas d'une chose pareille ?
        - Je n'en sais rien.
        - Tu as bien dit que ta maman t'avait donné un nom, donc tu as une maman...
        - Oui."
        Quelle évidence, songea-t-il avec un soupir. Au moment de ce soupir, l'homme sur le fauteuil eut comme un mouvement de surprise. Mais n'était-ce pas plutôt un peu de panique ?
        Toujours est-il qu'il se retourna furtivement vers celui qui se tenait près de lui, et qui n'avait toujours pas fait le moindre geste ni émis le moindre mot depuis qu'il était entré là avec Hendricks. Ils semblèrent s'échanger quelques mots à voix basse, encore une fois, puis l'homme fit quelques pas en avant et sortit de l'ombre.
        Il s'était attendu à voir un homme d'une allure plutôt mystérieuse. Mais ce n'était pas le cas. Cet homme-là était parfaitement banal, et était vêtu tout à fait comme tout le monde, ici. Il avait l'air plutôt calme et son visage était tout à fait inexpressif. C'est lui qui parla:
        "Petit garçon, toi qui n'a pas de nom, ou plutôt... Toi qui ne sait plus ton nom... Tu dois savoir qu'un incident regrettable s'est sans doute produit. Tu es ici dans un domaine où tu n'as normalement pas ta place. Ici c'est... Comment te dire ? C'est... Le monde normal.
        Ne comprenant pas cette allusion, le petit garçon haussa un sourcil et afficha une mine agacée.
        - Non ne te fâche pas, surtout, reprit l'homme. Il y a certainement une solution. Du moins nous pensons qu'il doit y en avoir une, et nous allons tout faire pour la trouver avec toi. Vois-tu... Ici, dans le monde normal, tout le monde sait d'où il vient, tout le monde sait où il va et personne ne se pose donc de questions sur ce qu'il fait. Mais toi... Tu es différent. Tu ne viens pas d'ici, pas de ce monde-là. Mais j'ai oublié de me présenter... Il est vrai que tu dois justement te poser beaucoup de questions, toi... Tu es ici chez le roi (il fit un geste vers l'homme qui restait assis sur son fauteuil inconfortable) et moi, je suis son conseiller. C'est à dire que lorsqu'il survient quelque chose d'imprévu - c'est assez rare ici car tout est habituellement très bien réglé - je dois conseiller le roi afin de trouver une solution à ce genre de problème. Je suis donc aussi là pour t'aider puisque, dans le cas présent, tu fais, comme on pourrait dire, partie de ce problème. Euh... A vrai dire... Tu es le problème...
        Le petit garçon sans nom médita sur ce statut plutôt étrange, tandis que le conseiller se taisait un instant. Il ne comprenait pas vraiment en quoi il était un problème, mais il renonça à poser la question, car il était à peu près sûr de ne pas comprendre la réponse.
        - Voilà... Fit le conseiller. Maintenant, je crois qu'il est important que tu nous dises ce que tu veux.
        - Ce que je veux ?
        - Oui. Il y a bien quelque chose que tu veux, non ? Sinon qu'est-ce-que tu ferais ici ?
        - Je croyais que vous ne vous posiez pas de questions, ici...
        - Hum... C'est bien ce qui m'inquiète... Marmonna le conseiller, comme pour lui-même. Alors il y a bien quelque chose que tu veux, non ? Ou bien un endroit où tu voudrais aller...


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